Tribune. Les vagues du Covid-19 se suivent, et on espère qu’elles ne se ressemblent pas. Les hôpitaux pourront-ils à nouveau faire face aux afflux de patients ? L’état des établissements, où les lits ferment par centaines faute de soignants – ayant, par dégoût, fui l’hôpital qui les a formés –, où les urgences débordent jusqu’à l’implosion, quand elles ouvrent encore, permet-il toujours de bien soigner nos concitoyens, en attente de la dose de rappel de vaccin ? L’inquiétude règne, la colère gronde, les médias aux aguets relaient cette inquiétude, cette colère des soignants qui n’en peuvent plus de la surdité des décideurs politiques et des directions aveugles ou aux ordres. Que cachent cette surdité, cette cécité de nos gouvernants ? Se seraient-ils à ce point éloignés des terrains où travaillent ces soignants perdus au milieu de la forêt en feu ?

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Ils nous répètent sans cesse, à longueur de communiqués, que les mesures prises, notamment lors du Ségur de la santé en 2020, porteront leurs fruits, qu’il faut attendre. Mais attendre combien de temps quand la tempête fait rage ? Les marins le savent si bien, les décisions doivent se prendre maintenant, au risque du naufrage annoncé de notre si beau système de santé qui, manifestement, prend l’eau. Pourquoi tant de mépris à l’écoute des cris d’alarme de soignants qui croient encore que le navire peut être sauvé, à condition que nos gouvernants puissent encore écouter le « peuple du soin », travailleurs non reconnus pour ce qu’ils font, jour et nuit, auprès des patients qui ne se plaignent pas.

Lente destruction des services publics

Pour le philosophe Jean-Pierre Dupuy, la prédiction d’une catastrophe certaine a ceci de particulier que tout doit être fait pour l’éviter, contrairement à la prédiction d’une catastrophe probable, qui empêche d’agir. La recherche de rentabilité a conduit à la destruction lente des services publics. Le Covid a accéléré ce qui était attendu et craint par quelques soignants aguerris, celles et ceux des collectifs de défense de l’hôpital en particulier. Le Covid n’y est pour rien, mais le récit du Covid est devenu le récit de celles et ceux, décideurs hors sol, qui ne voulaient pas voir, ne voulaient pas entendre.

Cette cécité, cette surdité encore, ne sont-elles pas les mots d’un véritable mensonge d’Etat, incapable de dire enfin que les hôpitaux publics ne sont plus une priorité ? Que l’hôpital public doit disparaître, au profit de structures privées à but lucratif ou non ? Que les soignants s’épuisent sans comprendre tout ce qui leur est donné – une aumône pour leur silence ? Que les patients, si patients, ne pourront plus être correctement soignés parce que les moyens ne peuvent être, selon nos décideurs,accordés à tous. Dire cela, et l’assumer ! Cyniquement, mais en toute transparence !

Source : lemonde