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France / Bac 2021: l’injonction à la «bienveillance» exaspère les profs

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Alors que Jean-Michel Blanquer propose de renforcer le contrôle continu au bac, de nombreux professeurs s’insurgent contre une «bienveillance» imposée dans leur notation, qu’ils jugent démagogique, participant ainsi à une chute du niveau scolaire.

«Je ne peux plus supporter la bienveillance. C’est presque un signe de mépris envers les élèves. C’est sous-entendre qu’ils ne peuvent pas faire mieux.» Anne enseigne les lettres modernes dans un lycée de l’est de la France depuis 30 ans. Selon elle, «l’injonction à la bienveillance couvre les choses pour endormir les parents et les élèves». Elle s’insurge contre ce terme fourre-tout, qui dessert les élèves et dissimule une baisse du niveau général.

L’augmentation du contrôle continu dans l’évaluation du bac, annoncée lundi soir par Jean-Michel Blanquer, a libéré la parole des enseignants qui ont exprimé leur crainte de cette «bienveillance» imposée. Malgré une année scolaire qu’il qualifie de «plus normale au monde », Jean-Michel Blanquer a précisé que les examens du bac devaient avoir lieu cette année «dans la plus extrême bienveillance». Il rappelait que «l’objectif est de ne pas faire rater les gens mais de les faire réussir sur des bases réelles et sérieuses».

Évidemment, cette «bienveillance» imposée n’est pas un phénomène nouveau. «On nous disait déjà qu’on n’était pas assez gentils dans les notes quand on ne comptait que pour 10 % de la note du bac», témoigne Hugo, professeur d’histoire géographie dans un lycée de Seine-et-Marne (77) qui redoute la réaction des parents d’élèves. Comme Anne et Hugo, nombreux sont les professeurs à subir déjà des pressions, de la part des parents d’élèves mais également de leur hiérarchie.

«On laisse des gamins aller dans le supérieur sans qu’ils soient préparés, c’est un saccage».Nathalie, professeur de sciences économiques et sociales

Un phénomène qui s’est aggravé avec le Covid et la réforme du bac où les bulletins prennent une plus grande importance qu’avant, beaucoup d’écoles comme Sciences Po ayant supprimé leurs concours. Nathalie, enseignante en SES (sciences économiques et sociales), explique qu’à cause de la l’insistance des parents et du proviseur, «on a l’impression de ne plus faire notre métier. On laisse des gamins aller dans le supérieur sans qu’ils soient préparés. C’est un saccage». Laurence, professeur d’histoire-géo dans les Hauts-de-Seine, témoigne: «Dès qu’un élève a une mauvaise note, il me réclame un devoir maison pour améliorer sa moyenne.»

Des passages en classe supérieure quasi automatiques

Pour Nathalie, cette «bienveillance» de l’Éducation nationale s’explique surtout par des impératifs politiques et économiques: un élève qui rate son bac ou qui redouble coûte plus cher. «Les passages se font quasi automatiquement. J’ai vu des élèves passer alors qu’ils avaient de grandes difficultés à écrire

Dépitée, cette enseignante se retrouve obligée de «pousser les élèves dans le mauvais sens» et constate qu’«on les jette dans le bain sans leur avoir appris à nager

Un niveau de plus en plus faible des élèves

Chez les parents, la bienveillance n’est pas toujours au rendez-vous. Ils peuvent même se montrer très insistants. Sur l’application Pronote (un logiciel de gestion de la vie scolaire), Nathalie avoue recevoir des messages «à n’importe quelle heure». Un parent lui a même demandé «comment j’ai pu avoir 8/20?». Un lapsus révélateur. Durant le confinement, beaucoup de parents ont fait les devoirs de leurs enfants à leur place. Pour elle, le confinement a porté un coup à l’égalité des chances des élèves, à cause de ces «parents qui ont plus aidé leurs enfants» que ceux qui n’en avaient pas le temps ou les moyens. Laurence, enseignante ajoute: «Quand le bac a été supprimé en 2020, j’ai commencé à recevoir des lettres de parents réclamant une plus grande indulgence sur les notes, car les concours des écoles de commerce postbac avaient été supprimés au profit d’admission sur dossier».

«On n’en peut plus de la bienveillance qui devient une forme de laxisme total».Nathalie, professeur de sciences économiques et sociales

Le professeur de lettres Antoine Desjardins expliquait déjà en 2017 que la bienveillance est un terme dévoyé. «Je n’irais pas jusqu’à traduire par laxisme ou complaisance, mais on n’en est pas loin», affirmait-il dans un entretien au Figaro. Nathalie n’hésite pas à parler de laxisme. Elle observe une baisse du niveau général de ses élèves, une tendance aggravée par le confinement. Faire passer dans la classe supérieure des élèves qui ne devraient pas y être contribue à abaisser le niveau. «On n’en peut plus de la bienveillance qui devient une forme de laxisme total».

Guillaume, professeur de physique chimie dans un lycée parisien, évoque quant à lui le «secret de polichinelle» qui consiste à gonfler les notes pour atteindre 90 % de réussite au baccalauréat. «Le problème est là: un niveau de plus en plus faible mais une nécessité de faire croire que les enfants sont toujours aussi géniaux d’année en année.» Cet enseignant partage le constat de ses confrères, et reconnaît que «le niveau réel d’une immense majorité des élèves est devenu bien faible par rapport à leurs parents». Être bienveillant, est-ce suffisant pour espérer remonter le niveau?

Source : etudiant.lefigaro

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