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France / Au brevet, les consignes de bienveillance exaspèrent les correcteurs

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Après les professeurs de lycée, ce sont les correcteurs des épreuves du brevet qui se plaignent des demandes de «bienveillance» dans la notation, prônée par l’Éducation nationale. Selon eux, elle dissimule les lacunes abyssales des élèves.

«Alors la dictée, si c’est mauvais mais que vous sentez que l’élève maîtrise globalement assez bien les accords, vous pouvez rajouter 2 ou 3 points.» Ce professeur de français dans un collège normand relève avec amertume les consignes de «bienveillance» demandées pour la correction du diplôme national du brevet (DNB) de 2021, dont les résultats 2021 viennent de paraître. Des directives ministérielles qui exaspèrent beaucoup d’enseignants.

Les résultats étaient déjà stratosphériques en 2020, avec 90,5 % des candidats au DNB admis, soit une hausse de 4 points par rapport à 2019 (86,5 %). Mais les épreuves n’avaient pas eu lieu en raison du Covid. Cette année, avec les consignes de bienveillance, les résultats sont également exceptionnels. Les consignes de correction données oralement aux membres du jury vont dans ce sens, en incitant les professeurs à une indulgence dans la notation, quel que soit le niveau des copies.

Ce qui a le don d’énerver les enseignants les plus consciencieux. Dans les consignes distribuées à des correcteurs du Doubs (25), il est précisé: «Quand un élève a réalisé de façon satisfaisante un exercice, on n’hésitera pas à lui attribuer l’ensemble des points.» Le document différencie les «attendus» que l’élève devrait maîtriser, et des «éléments de valorisation», dont «la prise en compte permet de compenser d’éventuelles faiblesses».

Les collèges n’ont pas tous le même niveau

Marie, professeure de français dans un collège du Nord (59), sait que tous les élèves n’ont pas pu étudier le programme en entier. Elle rappelle pourtant que le sujet de cette année devrait avoir été traité en 4e. «Je veux bien être bienveillante, mais on a un minimum d’exigence.» Selon elle, la bienveillance est surtout une façon de «contrebalancer le fait qu’il n’y ait pas le même niveau dans tous les collèges».

«Tu files des points, cherche pas à comprendre.»Un professeur d’histoire-géographie

Pour Fiona, professeure de français dans un collège du Calvados (14), cette bienveillance est plutôt une façon pour le ministère de ne pas perdre la face. «C’est insoutenable pour un gouvernement d’avoir des élèves qui réussissent très mal. Ça voudrait dire que l’enseignement n’est pas bon.» Pour cette enseignante, «ce n’est pas les élèves qui ont changé, c’est le temps qu’on leur consacre qui a diminué». Elle insiste sur le fait qu’il faudrait plus d’heures de cours pour traiter entièrement le programme, et non pas plus de bienveillance.

Un enseignant d’histoire-géographie résume ainsi: «Tu files des points. Cherche pas à comprendre.» Pendant le bac, le ministère précisait déjà que «des consignes de bienveillance seront transmises aux jurys, au regard des circonstances particulières de cette session».

Ces incitations à mettre le plus de points possible ne sont pas nouvelles. Elles concernent autant le bac que le DNB. Dès le début de la correction du brevet, les pires copies sont apparues sur les réseaux sociaux. Elles témoignent du niveau catastrophique de certains élèves.

Des consignes pour gonfler les statistiques

En dépit d’une correction indulgente, certains collégiens risquent d’avoir de mauvaises surprises. Pour ce professeur de sciences et vie de la terre en Dordogne (24), le choix du sujet de cette année ne prend pas suffisamment en compte les retards dans le programme. C’est «un carnage», malgré «un barème remanié pour masquer la catastrophe».

Même chose en français. Sur toutes les copies corrigées par Fiona, elle constate un très mauvais niveau, notamment dans les règles de grammaire. «Ce n’est pas du programme de 3e spécifiquement, ça devrait être acquis depuis la 5e. Pourtant je n’ai pas eu une seule fois l’attribut du sujet.» L’enseignante s’interroge sur le but des consignes de correction, qui ne servent, selon elle, qu’à gonfler les statistiques ministérielles.

«On nous a demandé de parsemer la rédaction de traits rouges, pour prouver qu’on l’avait lue.»Une professeure de français

Critiques de la bienveillance imposée, les enseignants souhaiteraient être eux-mêmes plus «choyés» par l’Éducation nationale, explique Fiona. «Cette année on nous a demandé de parsemer la rédaction de traits rouges, pour prouver qu’on l’avait lue jusqu’au bout. J’ai trouvé ça particulièrement insultant. Cette défiance était particulièrement cruelle.»

Source : etudiant.lefigaro

 

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