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France / Le désespoir des étudiants toujours sans master en septembre

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En raison du peu de places disponibles en master, de nombreux étudiants se retrouvent sur le carreau.

Postuler dans 8 universités différentes et essuyer, à chaque fois, des refus toujours plus douloureux à accepter. Charlotte*, une étudiante de 22 ans qui vient de décrocher une licence de psychologie à l’université de Franche-Comté de Besançon et qui cherchait à intégrer un master de psychologie clinique, est démoralisée. «Je n’y crois plus trop. Je me suis battue comme une acharnée et j’ai l’impression qu’on me fait tourner en bourrique, lâche-t-elle, désabusée. Rien n’a avancé depuis juin. C’est une claque.» Même les recours auprès de son université n’y auront rien changé.

Charlotte fait partie des #EtudiantSansMaster. Comme elle, depuis juin, des centaines d’étudiants font part de leur désarroi sur les réseaux sociaux. À l’aide de ce mot-clé, ces jeunes expriment leur angoisse et leur colère face à un système universitaire duquel ils se sentent exclus et à une ministre «qui n’en a rien à faire». Depuis la réforme de 2016, la sélection se fait avant l’entrée en master 1, juste après l’obtention d’une licence. Compte tenu de l’augmentation des effectifs licence et du peu de places en master, de nombreux étudiants se retrouvent sur le carreau alors même que Frédérique Vidal avait annoncé en juillet la création de 14.000 dans les universités ou autres filières en tension.

Un manque «cruel» de capacités d’accueil

«Le problème n’est ni inconnu du monde de l’Enseignement Supérieur, ni un cas spécifique: quelle que soit leur filière, cette problématique touche tous les étudiants ayant obtenu leur licence cette année», expose dans un communiqué de presse du lundi 13 septembre 2021 l’Ares. La Fédération nationale des Associations représentatives des étudiants en sciences sociales pointe «le manque cruel de capacités d’accueil en Masters en France.» Exemple: à l’université d’Aix-Marseille, 23.000 candidatures ont été reçues pour seulement 1150 places tous parcours confondus. Mais aussi la faculté d’Angers qui a reçu 1300 dossiers pour 25 places en master de psychologie, rapportait Le Courrier de l’Ouest. Ou encore les deux masters de droit pénal à Nantes: 2800 candidatures pour 45 places au total. La liste est longue. Lundi 14 septembre, à Montpellier, des dizaines d’étudiants sans master manifestaient devant le rectorat et relayaient leur action sur les réseaux sociaux.

Ils sont donc nombreux à s’être retournés vers trouvermonmaster.gouv.fr. Via cette plateforme, le rectorat doit proposer une formation dans le cadre du «droit à la poursuite d’étude» à l’étudiant qui n’a obtenu aucune réponse positive à ses vœux. En 2020, le nombre de saisines avait bondi de +129% par rapport à 2019, selon un rapport du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. Les formations en droit, en science et en économie et gestion sont particulièrement demandées.

Trouvermonmaster.fr, pas la panacée

C’est le cas d’Élodie, étudiante de 24 ans diplômée en 2020 d’une licence en droit à l’université de Nantes. Après avoir déjà été «recalée de partout» en septembre dernier, c’est un bis repetita pour elle. En juin 2021, elle postule dans 9 masters de 5 universités différentes. Après avoir essuyé des refus, elle s’est tournée vers la plateforme. Là encore, c’est «non» ou «pas de réponse définitive». À force, elle perd espoir. «Je déprime, je commence à regarder ce que je peux faire avec une licence de droit. Pour passer le barreau je dois avoir au moins un M1… J’en suis presque à regretter la sélection en M2», explique la Rennaise d’origine. Pareil pour Enzo qui a obtenu en 2020 sa licence de droit privé à l’Université de Tours. «J’ai postulé dans 32 masters l’an dernier et 41 cette année dans 30 universités différentes», explique le jeune homme de 21 ans, refusé partout.

Mais ce système n’est pas parfait. Eva*, diplômée d’une licence de droit à Toulouse et qui veut intégrer un master de droit des affaires en a fait l’amère expérience. L’étudiante était pourtant confiante, forte d’expériences professionnelles à l’étranger. Quand ce n’est pas les places qui manquent, c’est son niveau (11 de moyenne générale) qui fait office de point d’achoppement dans les 30 masters demandés. «Sur Trouvermonmaster.fr, les formations n’avaient rien à voir avec ce que je voulais», déplore-t-elle.

Une lettre au député

De son côté, Enzo va essayer de trouver un stage pour parfaire son CV. En attendant, il contacte des avocats et des associations afin de voir quelles options s’offrent à lui. «Dépourvu», l’étudiant a même envoyé une lettre «lourde d’angoisse» au député LREM d’Eure-et-Loir Guillaume Kasbarian dans l’espoir qu’il fasse remonter sa situation au Parlement.

«On valide mes compétences en licence, puis on me laisse sur le bas-côté»Enzo, étudiant sans master.

Chez ces étudiants, c’est le même sentiment d’être fauché dans leurs ambitions qui domine. «Je voulais continuer mes études. On me ferme les portes et je n’ai pas le choix», regrette Charlotte, qui mettra à profit cette année pour passer le permis et acheter une voiture. Elle préparera en parallèle une école d’infirmière. «Car je sais que je n’aurais pas non plus de master l’an prochain. C’est une commedia dell’arte.»

Élodie renchérit: «C’est rude, on refait le film de ses choix. Je veux avancer, et on me met des bâtons dans les roues.» «On me laisse étudier, on valide mes compétences en licence, puis on me laisse sur le bas-côté», poursuit Enzo, dont la situation affecte sa famille et notamment sa petite sœur qui suit la même voie. Le malaise est encore plus profond chez Eva. «Je viens d’une classe populaire où le travail est tout. Je misais tout sur les études. Je suis dépassée», s’émeut la jeune femme.

Les témoignages de fins heureuses glanés sur les réseaux sociaux parviennent, bon an mal an, à en réconforter certains. «Il y a toujours un espoir», conclut, optimiste, Eva.

*Les prénoms ont été modifiés

Source : etudiant.lefigaro

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